Sans trop m'attarder sur la qualification du français certes perfectible, pour garder des propos mesurés et modérés, de Béji Caïed Essebsi dans son entrevue avec la chaîne française LCI, je vais essayer d'aller au fond des choses en rappelant au passage que la verve et le brio oral de Marzouki n'en a pas fait le président qu'il fallait et que certains attendait après la révolution du 17 décembre. Ce n'est donc pas tant la forme que le fond qui ont fait défaut!
Même si le blâme adressé par BCE envers la France et l'Union Européenne pour certaines de leurs politiques migratoires et pratiques ou dérives discriminatoires était quelque peu timide, on ne peut que louer le fait d'avoir adressé cette problématique essentielle, même si j'aurais aimé voir le président de la Tunisie adresser le problème avec plus de hauteur et dans sa globalité en évoquant le principe de réciprocité qui devrait prévaloir dans nos relations bilatérales ainsi que la responsabilité de la France dans ce qui se passe en Lybie et qui n'a pas manqué d'impacter les flux migratoires pour fuir la guerre et la misère. Un flux migratoire devenu un vrai fardeau pour les pays voisin de la Lybie et la Tunisie en premier. Mais la Tunisie ne peut continuer à payer ces frais seule au dépend de sa sécurité et de son équilibre social et économique.
Mais BCE ne pouvait pas prendre cette hauteur tout comme il n'a pas la légitimité d'évoquer ou de discuter la responsabilité de la France en Lybie et de toutes ses répercussions au Mali en passant par le Niger et le Nigeria. Et comment peut t-il le faire, lui qui a ouvert les ports tunisiens aux armes qataro-atlantiques pour attaquer la Lybie? Il n'avait pas non plus ni la force ni le courage d'évoquer la responsabilité de la France et de l'alliance transatlantique, dont la Turquie fait partie, dans la destruction de la Syrie et de l'Irak par la vente d'armes au groupes de mercenaires d'Annosra et de l'Armée Syrienne "Libre" à la solde de l'Arabie Saudite...
Non BCE n'avait pas le culot de dire à Hollande que la politique Française en Syrie, en Irak et en Lybie ne diffère en rien de celle menée par la France en Afrique où le Quai d'Orsay a toujours soutenu des régimes autoritaires tout en armant des rebelles dans un jeu pernicieux où celui qui brade mieux les ressources de sa nation bénéficiera mieux de la générosité de la France. BCE ne dira pas non plus que la France n'est plus ce qu'elle était depuis qu'elle a trahi le Gaullisme en passant sous le commandement des Etats Unis et de son agenda de domination, la France a depuis cessé de véhiculer des valeurs se transformant en un marchand d'armes sans scrupules et sans limites éthiques et morales.
Sur le sujet de la sécurité de la Tunisie et de la rive sud de la méditerranée et son lien avec la sécurité de l'Europe, BCE ne m'a pas surpris, il n'a d'ailleurs pas fait pire que son prédécesseur Marzouki qui a réduit la Tunisie, lors de sa visite en France en juillet 2012 et dans une allocution devant l'assemblée nationale française, à un simple "sas de sécurité" contre l'immigration clandestine et le terrorisme dans le Sahel... Un discours indigne et une image réductrice de la Tunisie qui n'a rien à envier au discours de ZABA. Ils oublient tous que Carthage est bien plus grande, elle qui a survécu au sel et à la charrue de Rome survivra bien à nous, à la France et aux complotistes de tout bord.
Sur la question de la dette Tunisienne, la réaction de BCE à la question des journalistes concernant une éventuelle demande d'annulation de dette auprès de la France, et sans surprise, était bien molle et en deçà de l'espoir de voir le représentant de l'état, le symbole de la volonté du peuple et de son unité, exprimer haut et fort le droit inaliénable de la Tunisie et le devoir moral et éthique de la France qui a pillé la Tunisie pendant des décennies d'entrer dans un processus sérieux de gel de remboursement de la dette accompagné d'un audit pour en déterminer la part odieuse. Mais non, encore une fois, BCE va s'éclipser sur cette question centrale, lui qui n'est rien d'autre qu'un énième représentant des intérêts capitalistes étrangers et locaux n'offensera jamais les bailleurs de fonds.
Enfin, quand à la question sur l'islam politique, islamisme, intégrisme... Les propos m'ont paru bien confus et contradictoires, rien d'étonnant quand ça vient de l'allié des islamiteux, rien de surprenant de celui qui s'est vendu comme un moderniste Bourguibiste et qui n'est rien d'autre qu'un autre pion des islamistes transatlantiques et des intérêts capitalistes étrangers qu'il représenten en Tunisie. Là encore il ne fera pas mieux que Marzouki qui, il y a quelques jours et dans une déclaration à la suite des attentats de Bardo, réduisait le phénomène intégriste à une simple conséquence de la politique de ZABA qui a exclu les "islamistes modérés" (faisant référence à Ennahdha bien sur) créant ainsi un vide moral et religieux et laissant les jeunes déboussolés sans références ni encadrement. Vous comprendrez donc, qu'aussi bien Marzouki qu'Essebsi, ils ne représentent tous rien de plus que de simples auxiliaires aux RCDislamistes. Non nous n'accepterons jamais l'idée que vous voulez imposer, en exploitant la peur et la souffrance des tunisiens, pour nous imposer l'islam politique comme la seule alternative à Daech, AlQaeda et au chaos. La Tunisie n'a pas besoin de partis religieux pour encadrer la jeunesse, il incombe à l'état à travers l'école de la République, à travers un enseignement public de qualité pour tous, une santé pour tous, une culture pour tous d'offrir ce cadre unificateur qui ne laisse aucun enfant de la République à la marge de la société, de l'économie et de la culture et en proie à tous les marchands des illusions et de la mort.